Les temps du gospel copie

Au programme de mon émission sur YouTube, Blind Willie McTell (rubrique « Un blues, un jour »), et les Roberta Martin Singers (rubrique « Les temps du gospel»).

Cela fait aujourd’hui 116 ans que le chanteur et guitariste Blind Willie McTell a vu le jour, le 5 mai 1903. Certaines sources citent aussi 1901 et 1898, mais selon les derniers éléments fiables, l’année 1903 semble tenir la corde. Originaire de Thomson en Géorgie, il restera toutefois très attaché à la région d’Atlanta, dont il a marqué la musique d’une profonde empreinte. De son vrai nom William Samuel McTier ou McTear (qui se transformera en McTell sans doute suite à une erreur de prononciation), McTell est né aveugle d’un œil et il a perdu l’usage de son second œil encore enfant. Il semble avoir rapidement touché à plusieurs instruments, d’abord l’harmonica, mais peut-être aussi le banjo, le violon, l’accordéon… Il a d’ailleurs vraiment appris la musique dans plusieurs établissements pour aveugles, la guitare 6-cordes et bien sûr ensuite la 12-cordes qui sera sa marque, ayant très vite sa préférence.

Après le départ précoce du foyer familial de son père, il sera élevé par sa mère, surtout à Statesboro, une ville qu’il citait souvent comme son vrai « chez-lui » et dont il s’inspirera en 1928 pour un de ses classiques, Statesboro Blues. Il reviendra toutefois aussi du côté de Thomson, car nanti de son bagage artistique, et sachant que plusieurs membres de sa famille étaient musiciens, il fut rapidement apte à prendre la route au début des années 1920. En outre, et cet aspect est fondamental le concernant, ces différentes caractéristiques l’aideront à se forger un registre très étendu qui va au-delà du blues de la Côté Est auquel on l’associe traditionnellement. Son jeu de guitare, à la fois virtuose et très complexe, d’autant qu’il utilise aussi la slide, en fait un des guitaristes les plus accomplis du blues et même de toute la musique populaire du siècle dernier, qui influencera le folk, la country et le rock. C’était également un chanteur remarquable à la voix haute et claire. Autant de qualités qui lui permettront de jeter des ponts entre blues de Côté Est, Delta Blues, ragtime, country et même parfois gospel, c’est dire son rôle central, et il faudrait bien plus que cette émission pour en donner la mesure.

En outre, contrairement à bien d’autres bluesmen de sa génération, McTell n’a pas connu d’éclipse au moment de la Grande Dépression. Il a commencé à enregistrer le 21 octobre 1927 (à la 6-cordes au début !) à Atlanta pour Victor, puis il a continué dans les années 1930, également sous divers pseudonymes (Blind Sammie pour Columbia, Georgia Bill pour OKeh, Hot Shot Willie pour Bluebird, Blind Willie pour Vocalion…) ou avec sa femme Kate, aussi chanteuse et guitariste. En 1940 John Lomax l’a immortalisé pour la Bibliothèque du Congrès, puis il a signé quelques faces en 1949 et d’autres dans les années 1950, sa dernière séance datant de 1956. Une discographie qui se distingue par une qualité constante, et fort heureusement son œuvre absolument essentielle est disponible sur divers supports, dont la série en 4 volumes « Complete Recorded Works In Chronological Order » (Third Man, 2013 et 2014), qui couvre la période 1927-1935, et les albums de ses deux dernières sessions de 1949 et 1956, « Blind Willie McTell 1949 – Trying To Get Home » (Biograph, 1969) et « Last Session » (Prestige Bluesville, 1961). Blind Willie McTell nous a quittés le 19 août 1959, probablement à 56 ans. Je vous propose dans mon émission de l’écouter en 1935, avec un titre plutôt mélancolique qui n’est pas son plus connu, Your Time to Worry.

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© : Popsike

 

Pour le gospel du dimanche, vous le savez si vous êtes un(e) fidèle de ma chaîne et de ce site, je consacre deux volets aux Roberta Martin Singers, dans le cadre d’une série de quatre émissions portant sur deux anthologies exceptionnelles qui viennent de sortir. La première est donc une compilation de 3 CD et 72 morceaux que l’on doit au label Frémeaux & Associés, qui s’appelle « The Roberta Martin Singers 1947-1962 », qui porte donc sur la période 1947-1962, et à laquelle j’ai déjà consacré une première rubrique et un article dimanche dernier. Je mentionnais notamment que la formation avait été fondée en 1933 par Roberta Martin, qui était en quelque sorte au four et au moulin, exerçant comme chanteuse, pianiste, compositrice, arrangeuse et leader de chorale. Les Roberta Martin Singers, qui font partie des pionniers en termes de groupes mixtes hommes/femmes, ont donc débuté sur disque en 1947.

Ils eurent beaucoup de succès jusqu’au milieu des années 1960 tout en connaissant des changements de personnel, certains membres se lançant dans des carrières en solo. La mort à 61 ans de Roberta Martin le 18 janvier 1969 des suites d’un cancer précipitera tristement les événements, et le groupe se séparera en 1970. Outre son intérêt artistique et historique évident, d’autant que ce groupe était jusque-là peu réédité, cette sélection s’accompagne comme toujours chez Frémeaux d’un livret très documenté signé Jean Buzelin. Comme la semaine dernière, la brièveté des morceaux me permet d’en passer deux en enchaînement dans mon émission, cette fois plus récents. Le premier date de 1957 et s’appelle Sinner Man, Where You Gonna Run To, énormément interprété, et dont une certaine Nina Simone fera un sorte d’hymne… Il est suivi de It Was the Blood, de 1962, une composition attribuée à un autre grand du gospel, James Cleveland.